La grande complication

C’est une spécialité de nos horlogers, qui fait la fierté – et une partie de la prospérité – de la Suisse. Somme toute un effet colatéral (un mot à la mode en ce début de 3e millénaire) de l’Edit de Nantes, chassant de France quelques protestants maîtres de cet art. Etablis à Genève, et dans tout l’arc jurassien, ils ont fait école. De quelques métaux, certains précieux, il faut extraire une quantité considérable de pièces, toutes plus petites et précises les unes que les autres, afin qu’assemblées dans un espace minuscule, elles se mettent à battre, avec un minimum d’énergie mécanique et une folle précision. Parce qu’il faut communiquer l’heure exacte par tous les temps, partout, toujours. De même que les jours de la semaine, les phases de la lune, la date du mois, cela se complique, parce que cela change légèrement tous les quatre ans, il faut en quelque sorte imaginer une roue qui fait un tour en quatre ans. Et d’autres informations, et d’autres fonctions encore.

Lorsque le maître-horloger, après parfois plus d’une année de labeur, referme le boîtier, la voilà partie pour une vie éternelle.

Je m’immerge alors dans cette oeuvre d’art. Le temps a disparu, qu’ai-je à m’en soucier ? Qui suis-je ? Question tellement superflue, la moindre des pièces qui me compose est totalement matriciée par la réponse. Aurais-je quelque chose de plus que cette merveille d’assemblage mécanique ? Oui ! Juste le choix de m’y plonger, d’assumer avec une attention de tous les instants la totale conduite de tous mes actes, dans une liberté inconcevable.

André. 17.12.2012