Les mots, les maux.

On dit : faire zazen, car zazen est action. Mais action vers quoi ? Les bouddhistes appellent la première station « samâdhi ». Et proposent une procédure très précise pour l’atteindre : posture du corps, souffle, non-pensée. Mais ni le mot « samâdhi », ni la procédure ne disent de quoi il s’agit. A la question : « comment puis-je savoir si je suis en samâdhi ? », la bienséance voudrait que je propose une réponse. Samâdhi est un état. Y mettre des mots, il sera immédiatement dénaturé. Comme le mot «zen» l’est déjà. Si je dis : « bien-être », le risque est que qui l’entende tombe dans une affiche représentant une très belle femme, super fit et en tenue adéquate, position de lotus, les deux mains posées sur ses genoux, des doigts tendus vers le ciel. Ça respire le bien-être mais ce n’est pas ce que je voulais dire. Dire « être » alors ? Mais c’est probablement un peu court. Et puis être comment ?

Alors je tente une comparaison : un chasseur à l’affût. Tous ses sens sont sur alerte maximum, mais il n’est fixé sur rien. S’il l’est sur la moindre des hypothèses, ce qu’il attend lui échappera, car se manifestant d’une toute autre manière, inattendue. Mais cette comparaison ne me satisfait qu’à moitié.

En réalité, Samâdhi, vous allez le sentir. Et à ce moment-là, il faudra vous y accrocher. C’est comme une ancre jetée qui touche brusquement le fond. Pas impossible qu’une curieuse bulle s’en détache, parfois, et qu’elle remonte éclairer votre visage. Bon signe ! Mais si d’aventure vous souhaitiez alors renouveler cette expérience, oubliez ce projet et relancez l’ancre suivante, la première s’étant détachée, et c’est foutu pour aller à la station suivante.