Un Messie sdf?

En 3 volumes Virginie Despentes lance « Vernon Subutex » comme une météore. Le décor: tout un panthéon vivant de broyés ordinaires, écrasés ou dominants: sdf, drogués, alcooliques, transgenres, prostitués, stars du porno, petits casseurs, rockers, fondamentalistes, tatoueuses, étoiles filantes du show-biz et de la télé, et quelques autres pingouins. Une description au scalpel, sans fioritures, au raz du trottoir d’une société dans sa phase décadente. Âme sensible s’abstenir.

Vernon, un ancien disquaire qui a eu son heure de gloire dans les années 80, se retrouve à la rue, suite à la pseudo-évolution des supports musicaux.

Sans vraiment comprendre comment ni pourquoi, le voilà chaman de nuits secrètes de danse dans lesquelles chaque participant expérimente une sorte d’extase, un instant de bonheur absolu avec lui-même et avec une communauté éphémère mais parfaitement paisible.

Cela ne durera pas. Le fric, le pouvoir et la haine, ces fruits produits sans discontinuer par notre monde, et cette fragile bulle de rêve sera rapidement anéantie. 

Quand j’ai repris mon souffle, en fermant le 3e tome, je me suis égoïstement demandé quel personnage pouvait bien incarner Virginie Despentes. « Un petit peu dans chacun », dit-elle avec soin dans un interview. Mais plus profondément, cette question s’est adressée à moi: je suis où moi, dans cette galerie? 

Vernon Subutex 1, 2, 3.

Virginie Despentes

Grasset (2015-2017).