Connaître le Divin.
Peut-on connaître le Divin comme l’on connaît l’autre, ou comme l’on connaît le monde? Pour connaître ce dernier, la nature ou « je ne sais pas quoi » nous a affublé d’un cerveau capable de raisonner, d’imaginer des modèles théoriques et des ingénieries pour soumettre ces modèles à l’expérimentation, les valider ou les modifier. On peut donc prévoir au millionième de seconde le temps que va mettre la pomme pour toucher le sol, après avoir quitté sa branche. Plus prosaïquement, nous savons aussi très tôt qu’il ne faut pas laisser son doigt dans la porte lorsqu’elle se ferme.
Connaître l’autre, voilà déjà un exercice plus difficile, parce que cela nécessite la mise à l’écart de ce que nous croyons connaître de nous-même. Cela touche un état d’âme qui était jusque là bien épargné par notre connaissance du monde.
Mais connaître le Divin? De quoi parle-t-on pour commencer? Ce mot, de plus affublé d’une majuscule, ce qui induit déjà une certaine connotation, il faut le prendre pour l’instant comme une simple désignation de ce qui devrait se trouver quelque part du côté de la source d’un questionnement universel: « Qui suis-je? » Parce que l’humain, d’aussi loin que remontent les traces de sa présence sur notre planète, se pose cette question. Le monde animal, apparemment, ne se la pose pas. Serait-ce parce que tout simplement, il est imprégné de la réponse?
Dans « Qui suis-je? » il y a « je ». Socrate questionnait: « Connais-toi toi-même! » Injonction provocante! Il mettait le doigt là où ça fait mal: « Vous ne vous connaissez pas parce que vous ne vous connaissez que trop. » La source de notre «je » est en effet enfouie sous d’épais strates de toutes sortes de roches: rassurantes, flatteuses, protectrices, dominatrices, guerrières, fondamentalistes, ou leurs équivalents opposés: blessantes, dévaluantes, dangereuses, accusatrices, etc., tout cela combiné au gré de la personnalité que chacun s’est fabriquée, en a fait son enclos, dans lequel il s’illusionne d’être et de pouvoir vivre dans une certaine quiétude. A propos d’enclos, lisez « L’autre Dieu » de Marion Muller-Collard (Ed. Labor et Fides).
Connaître l’autre exigeait déjà d’écorner ce pseudo-nous-même, et cela nous mettait le nez dessus: il y avait d’autres enclos que les nôtres, voilà qu’une première et salutaire interrogation à leur propos s’immisçait dans notre train-train. Mais pour aller à la source, soit exploser la carapace que nous avons sans relâche maçonnée par dessus, et sauter dans le trou, sans parachute, il faudra d’autres moyens. Si les pistes ne manquent pas – pensez-donc, depuis l’aube de l’humanité! – il est déjà difficile, et parfois douloureux, d’en trouver l’entrée.
Ce serait vraiment prétentieux de ma part de prodiguer ici des conseils. Finalement, les meilleurs « divinomètres », ces appareils indiquant la qualité de la quête entreprise, sont en vous. Vous pouvez vous tromper, mais celui qui est en vous ne vous trompera pas si vous tendez bien l’oreille. Et dans les moments difficiles, vous pouvez toujours ouvrir la fenêtre le matin, et laisser simplement l’air remplir vos poumons, comme un cadeau.
« Longtemps, j’ai souffert dans la neige et le froid. Maintenant, je suis surpris à la seule vue de chatons de saule qui tombent. » Albert Low « Je ne suis pas un être humain ».