ÉTHIQUE
Troisième lecture de l’été.
ÉTHIQUE
Baruch Spinoza
1965 GF Flammarion
Philosophe néerlandais né le 21 février 1632, Spinoza écrit son traité le plus connu dès 1661. Mais l’ouvrage ne fut publié qu’après son décès, survenu en 1677. Il fut immédiatement interdit. Sans pratique religieuse, mais passionné de théologie, Spinoza adopte une méthode de démonstration déductive de l’existence d’un Dieu identifié à la nature, dont la véritable connaissance implique un dépassement radical de ses sentiments ainsi que toute forme de dépendance.
La construction de l’oeuvre s’inspire manifestement de l’ouvrage bien connu d’Euclide: « Les éléments ». Le lecteur qui s’y attaque affronte donc d’entrée des définitions, axiomes et postulats qui en rendent la compréhension fort difficile. Mais qu’importe si vous ne comprenez pas tout. Sautez des pages, relisez certains passages, et revenez au début de temps en temps, ce que j’ai déjà fait personnellement quatre ou cinq fois, et je n’ai de loin pas encore une aisance convenable pour enfin lire l’Éthique d’un bout à l’autre. La citation que je vous propose termine l’ouvrage. Elle sera peut-être le début de votre lecture, si elle a suscité votre intérêt.
J’ai achevé ici ce que je voulais établir concernant la puissance de l’Âme sur ses affections et la liberté de l’Âme. Il apparaît par là combien vaut le Sage et combien il l’emporte en pouvoir sur l’ignorant conduit par le seul appétit sensuel. L’ignorant, outre qu’il est de beaucoup de manières balloté par les causes extérieures et ne possède jamais le vrai contentement intérieur, est dans une inconscience presque complète de lui-même, de Dieu et des choses et, sitôt qu’il cesse de pâtir, il cesse aussi d’être. Le Sage au contraire, considéré en cette qualité, ne connaît guère le trouble intérieur, mais ayant, par une certaine nécessité éternelle conscience de lui-même, de Dieu et des choses, ne cesse jamais d’être et possède le vrai contentement. Si la voie que j’ai montré qui y conduit, paraît être extrêmement ardue, encore y peut-on entrer. Et cela certes doit être ardu qui est trouvé si rarement. Comment serait-il possible, si le salut était sous la main et si l’on y pouvait parvenir sans grand-peine, qu’il fût négligé par presque tous? Mais tout ce qui est beau est difficile autant que rare.