Retour du Japon.

Un temps béni, retrouver sa famille et les petits enfants, au milieu des cerisiers en fleurs, une période lumineuse pour les japonais. Les allées se remplissent de lampions, les parcs se couvrent de joyeuses rencontres de familles, d’amis. Et l’on fête dans la joie, sans aucun débordement même si le saké coule généreusement. 

Le retour au quotidien de la rue, métro, boulot, tout est à nouveau lustré de convenances. Costumes noirs, chemises blanches et cravates, un attaché-case. Silence dans le train bondé, on dort, on ne parle pas, on ne téléphone pas, ou alors bien caché derrière une main qui couvre un visage coupable. Nouveauté: une grande majorité est absorbée par son portable, y jouant je ne sais quelle partie. Shinjuku, un million de passagers par jour. Sur les quais, des marques précisent très strictement les endroits où l’on attend le prochain convoi. On fait respectueusement la queue, dans un fond sonore d’annonces, de chants factices d’oiseaux, il faut faire fuir certaines espèces, d’arrivées ou de passages fracassants de rames. Des agents de quai, en uniforme impeccable, gants blancs, sifflet et haut-parleur, surveillent le bon déroulement du trafic. Une gestuelle pour indiquer le sens d’arrivée du train, puis le sens de son départ. On est discipliné, au Japon, formatés dans un rituel quotidien, devenu parfaitement naturel. Un passager un peu âgé et probablement très à cheval sur les us et coutumes, nous fait remarquer d’un ton un peu fâché, que nos pieds ne sont pas exactement posés là où ils devraient être, soit à raz la ligne d’arrêt, alors que nous en sommes à environ 50 cm. Incident extrêmement rare il faut bien le dire, dans une métropole où les habitants sont très serviables pour peu qu’ils s’aperçoivent de notre embarras ou que nous leur demandions de l’aide. 

Je me fais cette réflexion: ce peuple japonais est bien conditionné… . Mais dans la foulée de ma pensée, je me dis aussi que je m’en aperçois parce que moi aussi, chez moi dans ma petite Suisse, je suis certainement aussi conditionné. Différemment bien entendu, mais comment le suis-je?Shinjuku , 10 avril 2018, 23h locales.