Une lointaine petite chouette

Je vous partage aujourd’hui ce très beau texte de Maurice Chappaz, à la fois poète de la nature et tellement lucide, paru dans son dernier ouvrage* peu avant son décès en 2009.

« A la suite d’un corps, il ne peut y avoir « rien ». Certes, personne n’est revenu des inimaginables villages. Quand nous serons « en Dieu », nous passerons dans les nuages, le vent, des torrents qui bêlent, ça pourra prendre forme humaine. Nos morts travaillent toujours sur cette terre. Tel ou telle les a perçus, je m’en suis parfois douté. Ils influencent le destin, ils remuent les événements.

En outre les multitudes d’animaux dont les espèces sont supprimées par nous, ces souffles de vivants assassinés s’occupent de nous dans les trous de la nuit de leurs anciens pays. J’aperçois un Jésus immense, terre à terre, végétal, animal, stellaire (nos usines ont aussi crucifié les étoiles) qui s’apprête à ressusciter avec les catastrophes. Et à nous donner la chance d’une nouvelle âme.

Une lointaine petite chouette ulule son Messie au-delà de la rivière. Comme un mort en vacances. « 

*Maurice Chappaz, « La pipe qui prie & fume ». Éditions de la revue CONFERENCE, 2008